Historique de l’exploitation charbonnière dans l’ex-bassin minier du Nord/Pas-de-Calais

 

LA DECOUVERTE DE LA HOUILLE A FRESNES ET ANZIN

La découverte et l’exploitation du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais sont étroitement liées à celles des gisements de la Wallonie en Belgique dont il constitue le prolongement.

L’exploitation et l’usage de la houille étaient déjà fort répandus dans les régions de Liège, Mons et Charleroi vers la fin du XIIe siècle. Du Moyen-Age jusqu’au début du XVIIe siècle, ce bassin sera d’ailleurs l’objet de nombreuses guerres et convoitises de la part du Royaume de France, de la Maison d’Autriche et de la Maison d’Espagne.

Au XVIIIème siècle, l’industrie houillère y est particulièrement prospère avec 120 fosses en activité. Les exploitations minières du bassin de Mons suffisent à elles seules au ravitaillement en charbon des industriels et des habitants du Hainaut et des provinces voisines, (Flandre, Artois et Picardie) lorsque les conquêtes militaires de Louis XIV viennent étendre de ce côté les frontières françaises. 

A la suite des Traités d’Utrecht (1713-1715), la nouvelle frontière scinde la province en deux avec d’un côté la partie dévolue à l’Autriche avec les mines de charbon de Liège, Mons et Charleroi ; de l’autre la partie annexée au Royaume de France où les consommateurs de charbon sont devenus tributaires de leurs anciens compatriotes.

Afin de pallier à la pénurie croissante de bois dans la région et à l’envolée de son prix de vente, les industriels et les habitants de la Flandre, de l’Artois et de la Picardie ont obtenu du Gouvernement royal de Louis XIV, l’autorisation de s’approvisionner en charbon à Mons, moyennant le paiement d’un droit d’entrée très modéré.

Mais le déséquilibre de la balance commerciale du Royaume résultant de ces achats de houille étrangère incitera le Gouvernement de Louis XIV à promouvoir les recherches du précieux minerai dans le sous-sol du Hainaut français, c’est-à-dire dans la région de Condé, Fresnes et Valenciennes.    

En 1716, un certain Nicolas Désaubois, receveur du Prince de Croÿ et ancien trésorier massart de la ville de Condé (aujourd’hui Condé-sur-Escaut), entame les premières prospections à Fresnes, à proximité de l’actuelle frontière belge, pour tenter de découvrir le prolongement du Bassin de Mons sur la portion de territoire demeurée française. 

Conscient du coût et de la difficulté de l’entreprise, Désaubois s’associe à des hommes entreprenants et fortunés qui apportent leurs capitaux et leurs connaissances techniques nécessaires à l’exploitation du charbon.

Parmi eux, le vicomte Jacques Désandrouin (1682-1761), propriétaire et directeur d’exploitations minières de charbon dans les environs de Charleroi. Le frère de celui-ci, Pierre Désandrouin Desnoëlles, directeur d’une verrerie à Fresnes, spécialisée dans la fabrication de verre à vitres et de bouteilles; Pierre Taffin (1664-1745) de Valenciennes, conseiller du roi et audiencier à la chancellerie du Parlement de Flandre et Jacques Richard, receveur des fermes du roi à Condé et beau-frère de Pierre-Taffin.

Le 1er juillet 1716, en vertu d’une permission de recherche temporaire accordée par le roi, les travaux de la Compagnie Désaubois, première Compagnie minière du Nord de la France, commencent à Fresnes, sous la direction de l’ingénieur Jacques Mathieu (1684-1767), alors responsable des travaux d’exploitation du vicomte Désandrouin à Lodelinsart (aujourd’hui arrondissement de Charleroi en Belgique).


C’est à la demande de ce dernier que Jacques Mathieu vient s’installer à Fresnes, emmenant avec lui sa famille et une équipe de vingt jeunes mineurs recrutés pour un an.      

Les deux première avaleresses dénommées « Point du Jour » sont implantées le long de la route qui relie Valenciennes à Condé mais les conditions de creusement difficiles ne permettent pas la découverte du filon charbonneux. Quatre autres tentatives échoueront également lors du fonçage des deux avaleresses « Le Moulin » et des deux avaleresses « Le Ponchelet » sur le territoire d’Escautpont.

Le cuvelage vertical que Jacques Mathieu a importé dans le Hainaut français pour le compte de la première Compagnie Désaubois et qui constitue l’unique revêtement de ces premiers puits ne résiste pas aux pressions des volumes d’eau énormes issus de la craie aquifère ainsi qu’à la proportion des fissures mises à nu lors du creusement.

Dans le Hainaut impérial où le manteau des morts-terrains est peu important, il s’agit surtout de préserver les terrains, plus ou moins imprégnés d’eau, des risques d’éboulement en établissant sur toute la hauteur des puits, un cylindre de 6 pieds (2 mètres) dont les pièces de bois plus ou moins équarries sont assemblées verticalement suivant la technique de montage des douves d’un tonneau ou d’une cuve (d’où le terme cuvelage qui en découle).

A la suite de ces revers, la Compagnie Désaubois, première du nom, est dissoute. Immédiatement reconstituée sous l’impulsion du vicomte Désandrouin, elle obtient le 8 mai 1717, sous le nom de Nicolas Désaubois, l’autorisation d’exploiter pendant 15 ans, sur une surface d’environ six lieues d’Est à l’Ouest et de trois lieues du Nord au Sud, le charbon qui serait découvert dans le sous-sol du Hainaut français.     

Cette seconde Compagnie Désaubois est surtout née de la nécessité de transformer la simple permission de recherche de 1716 en une concession définitive. Dès le début, les associés mesurent toutes les difficultés de l’entreprise, sachant qu’il leur faut en outre disposer d’une étendue de terrain suffisante pour suivre le développement des exploitations ou reporter en d’autres endroits les recherches en cas d’échecs.

L’arrêt du 8 mai 1717 qui accorde à Désaubois et ses associés la première concession minière du Nord de la France, leur attribue une aide financière de 6.750 livres, soit la moitié des 12.500 livres qu’ils ont estimé nécessaires à la réussite de leurs travaux. Ce même arrêt les exempte en même temps du paiement des impôts et les dispense de la grande corvée de l’époque : le logement des gens de guerre.

Encouragés par ces mesures de bienveillance, les travaux de recherche reprennent en août 1718 dans une pâture appartenant à une dénommée Jeanne Colard où deux puits du même nom sont entamés.

Pour vaincre les difficultés dues au terrain et à l’eau, le fils aîné de Jacques Mathieu, Pierre, qui aide son père dans la conduite des travaux de recherche, met au point le cuvelage carré avec picotage, ou revêtement étanche en madriers de chêne jointifs et calfatés, reposant sur des sommiers fortement serrés et picotés contre le terrain, de manière à constituer avec celui-ci un massif imperméable.

Le 3 février 1720, après dix-huit mois d’intenses travaux, la découverte dans le premier puits, à une profondeur de 300 pieds (62,55 mètres), d’une veine de houille maigre d’environ quatre pieds d’épaisseur (environ 1,20 mètres) vient récompenser ces longues années d’infortune.

Aussitôt alerté par cette découverte majeure, l’Intendant du Hainaut, d’Argenson, vient en personne sur le site même de la fosse Jeanne Colard. La preuve étant ainsi apportée qu’il y avait du charbon sous les morts-terrains de la région, la nécessité d’achever le second puits Jeanne Colard est reconnue mais les associés de la Compagnie Désaubois, épuisés financièrement, hésitent à poursuivre les travaux.

Par arrêt du 9 juillet 1720, le Conseil du Roi, sur l’avis de l’Intendant du Hainaut, accorde à la Compagnie Désaubois une prolongation de durée de concession de cinq ans et une subvention de 35.000 livres. Avant de trouver le charbon à Fresnes, la Compagnie a dépensé la somme considérable de 139.687 livres 10 sols.

Ainsi encouragée et bien que la nouvelle aide financière soit payée en billets de banque dépréciés, au moment de l’effondrement du système Law, la Compagnie Désaubois poursuit activement les travaux d’exploitation à la fosse Jeanne Colard lorsque dans la nuit du 24 décembre 1720, une pièce de cuvelage en bois de hêtre au lieu du chêne habituellement employé, cède sous la pression des eaux qui inondent l’ensemble des travaux.

Le 15 juillet 1721, après six mois d’efforts inutilement consacrés à la remise en état des puits, les associés renoncent à l’entreprise qu’ils ne sont plus en mesure de soutenir et démissionnent de la Compagnie.

Le 1er septembre de la même année, le vicomte Désandrouin reconstitue avec son fidèle associé, Pierre Taffin, une troisième Société qui reprend le matériel d’exploitation de la précédente. Son frère Pierre ayant été, par l’arrêt du 22 février 1722, subrogée dans les droits de la Société dissoute, celle-ci prend le nom de Compagnie Désandrouin-Taffin.

Sous la direction de Pierre Mathieu, deux nouveaux puits sont creusés dans la pâture de Jeanne Colard, au sud des puits submergés, et rencontrent en Août 1723 une veine de charbon maigre comparable à celle qui a été découverte le 3 février 1720.       

Cependant le charbon remonté était maigre et sulfureux, impropre aux travaux de forge et utilisable seulement à l’époque pour la cuisson de la brique et de la chaux. Son écoulement à la vente est d’autant plus difficile que l’emploi du charbon minéral en France est victime de préjugés tenaces. 

Si le roi Henri IV (1553-1610) en avait lui-même proscrit l’usage sous peine d’amende, voire de prison, les habitants de Paris prétendent encore en 1769 que la combustion de la houille génère des maladies de poitrine, noircit le linge ou porte atteinte à la blancheur du teint.

Il faudra pour les en dissuader compter sur les nombreuses démonstrations publiques faites par l’académicien Jean-François Clément Morand (1726-1784), docteur en médecine de la Faculté de Paris et Membre de l’Académie Royale des Sciences, pour défendre les multiples propriétés du charbon et l’utilisation qui en est faite dans le Hainaut impérial.

La découverte de la houille maigre à Fresnes ne peut toutefois satisfaire la Compagnie Désandrouin-Taffin qui, pour amortir le coût de ses travaux, est contrainte de se procurer un charbon gras non pyriteux, capable de répondre aux besoins des particuliers et des industriels. Aussi se livre t-elle dès 1725 à de nouvelles recherches.

Tandis que Jacques Mathieu dirige l’exploitation de Fresnes, son fils aîné, Pierre, est chargé d’ouvrir, le 26 août 1733, un puits de mine à Anzin, « près la porte de Valenciennes, sur la rive gauche du pavé de Condé ». Les travaux de fonçage sont laborieux au point que la population locale, voyant les quantités de craie extraites du puits, clamait « qu’il fallait être bien fol pour chercher du noir dans du blanc ». 

Après dix mois de travaux acharnés que l’Intendant du Hainaut, Jean-Moreau de Séchelles, futur Contrôleur des Finances, n’a cessé d’encourager par sa présence, le vicomte Désandrouin finit par découvrir le 24 juin 1734, à 40 toises 5 pieds de profondeur (72,97 m), une veine de houille grasse d’excellente qualité qu’il baptise « Maugrétout » (« Malgré tout ») dans un élan de fierté et de soulagement.  

En 1735, lors du creusement du second puits de la fosse du Pavé, il reste cinq ans à la Compagnie Désandrouin-Taffin pour renouveler sa concession temporaire. En vue d’amortir les sommes que lui ont coûté les 34 puits creusés utilement ou inutilement, il lui faut prolonger la durée de sa concession. Le 29 mars 1735, elle obtient vingt nouvelles années, ce qui reporte la fin de la concession au 1er juillet 1760.

Après la découverte de la houille grasse à Anzin,  le vicomte Jacques Désandrouin et Pierre Taffin qui ont désormais acquis la conviction que le terrain houiller s’étend bien au-delà des limites du Hainaut, sollicitent une extension de leur concession sur des terrains compris entre la Scarpe et la Lys, c’est-à-dire une grande partie de l’Artois et de la Flandre, ce qui leur est accordé par un arrêt en date du 16 décembre 1736.   

La Compagnie poursuivra en outre dans toutes les directions les veines reconnues par l’ouverture de nombreux puits qu’elle équipera de machines à vapeur désignées à l’époque sous le nom de « machines à feu » ou « pompes à feu ». Elle fera également venir de Charleroi deux cents nouvelles familles de mineurs pour lesquelles elle bâtira des habitations qui donneront naissance à la ville d’Anzin.       

Cependant, le succès rencontré par la Compagnie Désandrouin-Taffin se heurte bientôt à un nouvel obstacle : la législation féodale qui réserve aux seigneurs haut-justiciers le droit de disposer de l’avoir en terre non extraye, c’est-à-dire de la richesse minérale qui peut exister dans leurs terres.

En effet, pour que la concession royale puisse entrer en vigueur dans le Hainaut français, il fallait, d’après les lois locales de cette province, les fameuses Chartes Générales, payer aux seigneurs haut-justiciers, propriétaires des richesses minérales gisantes sous leur territoire, les mêmes droits qui se payaient dans les dépendances du territoire de Mons en Belgique et qui étaient connus sous le nom de droit d’entre-cens.

Or, le grand tort de la Compagnie Désandrouin-Taffin est d’avoir négligé le paiement de ces indemnités pour les territoires concédés dans la haute-justice sous lesquels elle exploitait. Tant que les travaux de la Compagnie ne dépassèrent pas le stade de la production, les seigneurs haut justiciers ne jugèrent pas utile de remettre en cause son droit d’extraction sur leurs terres. A l’inverse, son succès attisa aussitôt leurs convoitises.

Le Prince Emmanuel de Croÿ-Solre (1718-1784), Prince du Saint-Empire, Seigneur haut-justicier de plusieurs villages situés de part et d’autre de la frontière, est le premier à attaquer en 1735, la Compagnie Désandrouin-Taffin sur le droit d’extraction du charbon sur sa terre de Fresnes. S’ensuit un long procès qui aboutit le 25 janvier 1737 sur un arrangement amiable obligeant Désandrouin et Taffin à lui verser une redevance annuelle de 2000 livres correspondant à son droit d’entre-cens. 

Le 28 août 1741, par l’entremise du Bailli de Condé, François Cordier, le Prince de Croÿ traite affaire avec les frères Désandrouin et leur cède, contre redevance, l’autorisation d’extraire le charbon sur ses terres de Condé et Vieux-Condé dans le cadre d‘une association Désandrouin-Cordier dont Pierre Taffin est exclu. Le seigneur haut-justicier sollicitera par la suite, en son propre nom, une concession royale qui lui sera accordée le 14 octobre 1749 sur les terres précitées, au-delà de l’Escaut, et surtout sans limitation de durée.

En 1744, Louis XV par un édit royal pose les premières bases d’une législation en décidant que le sous-sol appartient à l’Etat qui peut, de ce fait, accorder des concessions à des exploitants selon un cahier des charges, et qui assortit ce privilège d’une redevance liée à la quantité et la qualité des produits extraits.

A l’imitation du Prince de Croÿ, le Marquis de Cernay, Augustin-Marie le Danois (1710-1784), lieutenant-général des armées du roi et seigneur haut-justicier de la paroisse de Raismes dont la terre se trouve enclavée dans le périmètre de la concession du 8 mai 1717, réclame à son tour ses droits d’entre-cens. Il a d’ailleurs obtenu de l’Intendant du Hainaut, le 3 décembre 1754, l’autorisation d’exploiter le charbon dans toute l’étendue de sa seigneurie, après avoir fondé le 23 septembre une compagnie minière dite de Cernay. 

Le Marquis de Cernay s’était entouré des collaborateurs suivants :

 

Empressé de se substituer à la Compagnie Désandrouin-Taffin à l’expiration de sa concession en 1760, le Marquis de Cernay a pris la précaution de se faire attribuer par un arrêt du Conseil du roi en date du 18 mars 1755, l’autorisation d’étendre, à compter du 1er juillet 1760, ses travaux sur les seigneuries voisines d’Anzin et de Saint-Vast, à une distance d’une demi-lieue de ceux de son principal concurrent.

Le Prince de Croÿ a lui aussi pris des dispositions identiques. Déjà concessionnaire depuis le 14 octobre 1749 des Mines de Condé, Vieux-Condé et d’Hergnies, il a obtenu par arrêt du 16 mai 1756, l’autorisation d’exploiter pendant trente ans, à partir de 1760, date limite de la concession du 8 mai 1717, les mines de charbon ouvertes sur ses terres de Fresnes et de Breuil (aujourd’hui Bruay-sur-l’Escaut).      

Par ces arrêts consentis sans limitation de durée, le vicomte Désandrouin craint de se voir déposséder, à la veille de la date limite de sa concession, de la quasi totalité du fruit de cinquante ans de travaux et de dépenses, et d’entrer en conflit avec les seigneurs propriétaires du sol.

Entre-temps, il s’est vu retirer tous les terrains situés au-delà de la Scarpe, qui pourtant étaient venus s’ajouter en 1736 à la concession du 8 mai 1717. Ce territoire qu’il n’a pu prospecter, faute de temps, a en effet été concédé en 1752 à une compagnie concurrente fondée en 1746 par un dénommé Wuillaume Turner.

Très rapidement, des rivalités éclatent entre la Compagnie Désandrouin-Taffin et la Compagnie du Marquis de Cernay dont l’extension des travaux d’exploitation sur les seigneuries d’Anzin et de Saint-Vast porte préjudice à la première qui a établi des fosses dans les mêmes secteurs.  

La situation s’envenime et c’est à coup d’insultes et de provocations que les deux principaux rivaux tentent de régler les différends qui les opposent. Un procès sera même intenté au Conseil d’Etat. Il se terminera au bénéfice du Marquis de Cernay.        

Conscient que l’aggravation de ces rivalités nuirait tôt ou tard à la mise en valeur des gisements découverts, le Prince de Croÿ entreprend de réconcilier les Compagnies concurrentes Désandrouin-Taffin et de Cernay, et de s’associer à elles pour créer une exploitation commune.

La démarche n’est pas aisée. La médiation que le Prince entame à la veille de son départ pour Calais et relayée en son absence par deux de ses proches collaborateurs, Cordier, Bailli de Condé, et Moreau, avocat au Parlement de Flandre auxquels il a confié ses instructions, reste au point mort. 

Bien décidé à faire entériner son projet par chacune des parties adverses, le Prince de Croÿ, de retour  à Condé, s’entretetient une dernière fois avec le Marquis de Cernay et surtout le vicomte Désandrouin auquel il adresse un ultimatum :

« J’exige de votre amitié pour moi que vous signiez l’acte que M. Cordier vous présentera… J’y compte absolument et sans délai car il est de la dernière importance que tout l’essentiel soit déterminé d’ici à six jours, temps de mon départ après lequel il n’y aurait plus à renouer ».

Craignant de perdre à jamais les immenses étendues de terrains qui lui a été octroyées, Jacques Désandrouin se résout finalement à céder aux instances conciliatrices de ses adversaires en signant le 19 novembre 1757, au château de l’Hermitage, propriété du Prince de Croÿ en forêt de Bonsecours, à Condé, l’acte d’association sous seing privé qui scelle la naissance de la Compagnie des Mines d’Anzin.  

Par cet acte, les exploitations de Fresnes, Vieux-Condé, Anzin, Raismes et St Waast, ainsi que toutes les concessions et exploitations possédées ou à posséder par chacun des associés sont mises en commun sans aucune exception. 

L’administration de la Compagnie des Mines d’Anzin est confiée à six régisseurs nommés à vie, qui non seulement, ne doivent rendre aucun compte de leur gestion à leurs associés, mais encore sont investis du droit de remplacer ceux d’entre eux qui cesseraient leurs fonctions. La seule obligation qui leur est imposée est de se réunir au moins une fois par mois. Telle est la charte qui régira encore la Compagnie des Mines d’Anzin avant la nationalisation des Charbonnages de France en 1946.

Bien qu’ils fussent de hauts et puissants seigneurs, le Prince de Croÿ et le Marquis de Cernay avaient compris qu’ils ne suffisaient pas seulement de faire jouer la loi féodale en leur faveur, mais qu’il leur fallait aussi compter sur l’expérience de la Compagnie Désandrouin-Taffin pour tirer de leurs terres plus de profits que ne leur en donnait les redevances dont ils s’étaient jusque-là contentés.  

La Compagnie nouvellement créée évitera soigneusement de rééditer les fautes commises précédemment par la Compagnie Désandrouin-Taffin en s’assurant à la fois la concession royale et la concession seigneuriale des terrains nécessaires à son développement.

Pierre Taffin qui avait consacré toute sa fortune aux recherches du charbon dans la région, s’éteignit le 12 septembre 1745 à Valenciennes, sans avoir eu la satisfaction de voir disparaître avec la fondation de la Compagnie d’Anzin, les rivalités dont il avait été victime.

Des dix-huit enfants (11 garçons et 7 filles) qu’il eut de son mariage avec Marie-Claire Duhamel, quatre seulement, Madame Benazet, née Jeanne-Marie Alexandrine Taffin, Jules César Taffin dit Taffin de Givenchy, Félix Ignace Taffin dit Taffin de Troisville, et Jean-Charles Taffin figurent collectivement pour 3 sols 9 deniers à l’acte de constitution de la Compagnie d’Anzin. Jeanne-Marie Alexandrine Taffin y est représentée par son second mari, Jean de Bénazet, capitaine au régiment du Boulonnais qui mourut à Valenciennes le 13 mai 1778, la laissant sans postérité.